4.10.08

LODZ



LODZ susurre le temps de ce premier album, égraine dans ses chansons mélancoliques, souvenirs d’enfance et histoire familiale. Cet album impose d’entrée son intimité, son côté journal intime cousu de fils d’or dans la pénombre d’une chambre sous les toîts. LODZ, à partir de ses expériences, construit des histoires qui sont autant de contes et de féeries. Charmes nocturnes, promenades en pleine nature sauvage, au bord de l'eau, à l'orée de forêts impénétrables ou dans ses rêves. Mais il y a dans son jeu, sa voix, son écriture, quelque chose de très littéraire et classique.

« Je viens d'une pratique musicale qui est l'interprétation. Et ma façon d'aborder ma propre musique, avec l'ordinateur et le traitement des sons archivés qu'il permet, est structurée par cette pratique de l'interprétariat. J'interprète au sein de ma propre musique : d'abord une culture « classique » à laquelle je fais largement référence, de façon parfois implicite (on trouve ainsi, disséminés, des clins d'oeil à Ravel pour Maror, à Bartók dans East, à Marin Marais dans Hanna rêve…). Il y a aussi des textes poétiques, qui sont là aussi plus ou moins mis en avant et qui me constituent tout autant : Rilke dans Cornette, Apollinaire dans Rhénanes... Il y a du monde, donc, qui s'est caché dans ces morceaux, des références plus ou moins voilées à toute une culture qui m'a construite et que j'essaie d'interpréter à nouveau. C'est à partir de ça que les morceaux sans référence directe ont pu se structurer. »


Il y a l’impression, floue et intrigante, de pénétrer dans son univers par une porte de service et c’est peut-être aussi en cela qu’elle forge sa particularité ... Une plage en parquet comme décor, l'écume et les rouleaux comme rythmique lointaine, un sample de violoncelle et un piano comme ami d'enfance.

« J'ai commencé la musique petite, par une formation pianistique classique. J'ai découvert la musique assistée par ordinateur il y a quatre ans et, tout naturellement, j'ai abordé cela à la lumière de cette formation, qui avait été ma seule façon d’être musicienne jusqu’alors. C'est-à-dire: utilisation du sequencing sur le modèle de la partition, et le fait d'investir dans ma composition des références musicales héritées de mes années de piano. Tout cela dans un petit ordinateur, qui me semblait à la fois intime et effrayant de possibilités.»

LODZ joue donc de sa formation classique et des accidents électroniques, dans un disque où crépitent des mélodies sensibles et malléables, alternées de plans séquences de films noirs. Mais l’interprétation à laquelle elle s’essaie, c’est aussi celle d’une certaine culture juive, qui se glisse insidieusement dans cet album, à travers paroles et titres en yiddish, prénoms et mélodies traditionnelles. Le dernier titre du disque, Maror (le nom des herbes amères servies lors du Seder et symbolisant l’amertume de l’errance) est en cela révélateur.

« Pour moi, ça symbolisait tout autant l'errance dans la musique, dans ces influences encore trop proches et trop lointaines. La question de la difficulté qu’il y a à s’approprier tout héritage, qu’il soit musical, littéraire, familial, pour travailler une forme sienne. Cette forme, ça a été d’abord celle de la chanson (ainsi, les deux titres zhe mir/zhe dire a liedele - pour moi/pour toi une petite chanson), parce que c’était un médium traditionnel, et que j’aime cette musique non écrite, qui questionne notre musique de sons fixés. Mais chanson faussement naïve peut-être, que j’ai toujours voulu filer tout en la fissurant de l’intérieur, par des souffles intempestifs, des erreurs plus ou moins volontaires, des perturbations. »

LODZ s’installe loin de tout, sur un bout de colline, pour imaginer la musique du vent et de ses souvenirs. Voilant la végétation d’une couverture de neige, encombrant le paysage de nuages, sifflant des soupirs et comptant patiemment des murmures, ses chansons s’imposent sur le temps. LODZ se raconte son histoire… où l'on imagine des rencontres avec Leila, Pierre Bastien, Joanna Newsom, Stina Nordenstam ou Colleen.